Ménage à 4 ! ........ Uyuni / Salta

 

 

Certains d'entre vous s'impatientent à raison, voilà plus de 15 jours que nous n'avons pas posté ... Je dois l'avouer l'épisode sud bolivien ne m'a guère inspiré pour écrire ces lignes, pour la première fois, je traîne ouvertement de la plume pour me lancer dans cet exercice, alors soyez indulgents!

Notre condition de cycliste construit en nous une certaine distance presque arrogante avec les touristes qui eux aussi souhaitent découvrir quelqu'uns des joyaux de notre monde... Nous sommes par nature très exigeants avec les sites que nous découvrons avec un autre moyen de locomotion que le vélo. Ainsi avant de partir découvrir le sud Lipez en 4x4 nous étions en attente forte, « nous abandonnions Tancar pour trois jours et notre rythme lent favori pour Monsieur Landcruiser et son avancée bruyante, nauséabonde et rapide; il va falloir nous en mettre plein la vue pour oublier ce budget faisant exploser notre moyenne quotidienne. » J'irai même plus loin, le désir d'aller parcourir le désert du sud d'Uyuni émane presque d'une pression sociale, c'est l'incontournable bolivien, tous les guides et voyageurs en laissent un message enthousiaste qui paraît-il n'aurait pas d'égal en Amérique du Sud. Quel programme... notre promenade autour du monde ne peut donc s'affranchir de cette étape.

Corinne et Philippe (velomonde.fr), retrouvés 24 heures après notre arrivée sur Uyuni, nous rejoignent pour ce « tour » de trois jours. Ainsi, vous devrez garder à l'esprit que pour « faire » le sud Lipez, il vous faudra prévoir une journée en sus pour la sélection de l'agence! Uyuni, ville poussiéreuse où le gringo est élevé en batterie cherche à faire revivre sa splendeur d'antant à travers les fades vitrines de pas moins de 80 agences de voyages. Notre cahier des charges est précis et nous sommes en phase avec les Vélomonde sur ce point: un tour de 3 jours qui ne passe pas par le Salar (déjà traversé en deux roues) mais qui pourra nous faire découvrir des sites qui sortent du circuit standard. Nous cherchons également à éviter les enfilades de 4x4 réputées à l'approche des sites mythiques; en synthèse un départ en décalé des 50 autres véhicules se lançant chaque jour à l'assaut des pistes du sud de la Bolivie.

Après le refus honnête et sans détour de quelques agences ne souhaitant clairement pas répondre à notre cahier des charges, quelques autres se laissent aller à une proposition dépassant le double du prix d'un tour standard de même durée. Nous rencontrons enfin Doris, qui accepte moyennant un tarif décent de nous amener dès le lendemain à la découverte de quelqu'unes des richesses minérales du pays. Nous nous devons de préciser que notre cher Philipe est encore plus fin négociateur que nous et ses talents en la matière n'ont d'égal que son niveau d'exigence dans les affaires. Contrat à l'occidentale est donc passé avec notre encore souriante Doris. Chauffeur et son véhicule sont rencontrés sur le tas, rendez-vous est pris pour le lendemain 9h00. La chute était des plus prévisible, à 9h10 nous apprendrons que le chauffeur a été réservé par internet pendant la nuit – les esprits s'échauffent dans la minuscule boutique, il faut trouver une solution pour éviter de passer 24 heures supplémentaires dans cette ville où les pizzerias sont presque aussi nombreuses que les agences. Une dizaine de coups de fil plus tard, Philippe et moi traversons les rues rectilignes d'Uyuni de part en part - plein d'essence, récupérer un chauffeur apprenant sur le champs son nouvel emploi du temps, course poursuite avec l'employé de l'agence dans les allées du marché afin de composer nos repas des trois prochains jours... notre niveau de méfiance étant à son comble, nous faisons tout pour verrouiller au mieux les jours qui s'annoncent. Midi, le land cruiser vrombit, Domingo récitant sa litanie habituelle d'introduction nous indique donc que nous nous mettons en route pour le cimetière des trains. Nous mugissons, nous avions exclu cette étape dont la principale vocation est de combler les journées des tour-opérateurs. Domingo s'exécute, plein de bonne volonté sans vraiment comprendre ce qui lui arrive! Nous filons en direction de la frontière chilienne. 14 heure, pause dans un village quelconque en apparence, une cité minière dont l'histoire est plus intéressante que la ville en elle-même. L'église coloniale et les quelques maisons de San Pedro ont été entièrement déplacées par les soins et pour les besoins d'une société japonaise spécialisée dans l'exploitation minière. Réticent au projet les habitants ont fini par céder après la création de routes, d'une école et d'un hôpital par la compagnie. Aujourd'hui plus de 5000 personnes travaillent ici à l'extraction de l'argent pour la florissante japonaise. L'extraction se fait principalement par procédés chimiques notamment avec du mercure, autant vous dire que les nappes phréatiques de la région sont polluées pour un moment. La société répond aux réclamations persistantes de la population par la création de fondations en tous genres. Chacun se fera son avis sur cette histoire qui est loin d'être une exception dans de nombreux de pays en voie de développement...

L'apogée de la journée sera atteint sur un site regroupant d'énormes blocs de pierre issus de l'activité volcanique de la région. Notre bon Domingo ¾ d'heure durant nous fera deviner les formes imaginaires de ces gros cailloux taillés par les vents; un Homer Simpson, un puma et l'incontournable Condor... Ce tour commence à devenir pathétique; nous nous consolons avec beaucoup d'humour en compagnie de Philipe et Corinne.

De 15. 14 oct - 22 oct

 

Les deux jours suivants nous offrirons cinq magnifiques lagunes. Dominées par des volcans, les étendues d'eau prennent la couleur des minéraux resurgissant à travers les pores de la croûte terrestre. Le borax (largement exploité) et le sel viennent donner un air de banquise aux paysages, le vert laiteux est le fruit d'un savant mélange à base d'arsenic, le rouge témoigne de la très forte présence de fer, enfin sur les flancs des montagnes les dégradés ocres laissent jaillirent le souffre dégageant des vapeurs d'oeufs pourris à travers des vents à plus de 100 km/h.

De 15. 14 oct - 22 oct

De 15. 14 oct - 22 oct

De 15. 14 oct - 22 oct

Oui, nous avons certainement eu la chance de découvrir des couleurs minérales sans doute uniques au monde, mais curieusement encore une fois notre infidélité à Tancar nous rendant très exigeants vient, sur l'instant, légèrement noircir notre appréciation de choses.

De 15. 14 oct - 22 oct

Derrières vos écrans, certains doivent bondir de nous voir quelque peu blasés face aux merveilles que nous croisons; à ceux là nous répondrons juste que nous avons fait un choix celui du voyage à vélo, sans être jusque boutiste nous devons reconnaître que c'est grâce au rythme et à l'effort inhérent au deux roues que nous prenons du plaisir. Quelques 140 réveils, journées, lieux de bivouacs différents, 5 nationalités que nous avons la prétention de connaître un peu mieux aujourd'hui, des températures allant de -10 à plus 45°, des routes rectilignes sur plus de 30 kilomètres comme des lacets nous amenant à plus 4800 mètres d'altitude.. bref que de « richesses » rencontrées depuis maintenant plus de 4 mois... Voilà quels sont nos « incontournables ». C'est cette réflexion qui nous amènera à supprimer de notre programme l'escapade de 4-5 jours prévue en bus pour découvrir Sucre et Potosi, là aussi certains s'insurgeront « comment vous n'avez pas « fait » la capitale minière de l'Amérique du Sud, ni la plus belle ville de Bolivie? » Et bien non, nous avons mis les voiles sans regret pour l'Argentine en compagnie de micheline. Une aventure à part entière, où encore une fois, nous goûterons aux joies de la fantaisie bolivienne pour l'embarquement des tandems. Tancar et Ausseba seront maltraités au plus haut point mais finalement après 15 heures de train ils retrouveront une position plus conforme à leur habitude.

Pendant trois jours nous auront le plaisir de rouler par intermittence en compagnie des velomonde. Nos rythmes différents nous amènerons à vivre chacun nos journées pour mieux se retrouver au bivouac. Nous évoluons maintenant à des altitudes plus décentes ce qui ne nous empêche pas de monter. L'altiplano bolivien est bien derrière nous, nous retrouvons une kyrielle de voiture européenne dès le passage de frontière; les rayons des tiendas regorgent de produits et marques qui nous sont familiers, quelques mètres linéaires accueillent Dulce de leche et hierba de maté.

De 15. 14 oct - 22 oct

C'est par une enfilade de superbes quebradas que nous arriverons à Salta, capitale du nord argentin, la route sinueuse longe le Rio Grande. Après près de 3 mois où la roche fût notre quotidien nous retrouvons une végétation luxuriante, les saules pleureurs ont pris la place des rachitiques eucalyptus, les chevaux se font presque aussi présents que les lamas de l'altiplano.

De 15. 14 oct - 22 oct

De 15. 14 oct - 22 oct

De 16.23 octobre - 7 Novembre

Salta, mignonne petite ville aux façades coloniales m'offrira un peu de repos, voilà en effet une semaine que Steph puis moi sommes victimes de parasites intestinaux venant pomper notre énergie (sans toutefois nous empêcher de maintenir une confortable moyenne de 100km /J, pour rappel le détail de chaque journée dans la rubrique le quotidien). Nous profiterons néanmoins des richesses gastronomiques de la ville: saltenas et autres empanadas (chaussons de pâte feuilletée fourrés à la viande, légumes...) et bien sûr de la mythique viande argentine, la côte de boeuf est ici moins chère que la cuisse de poulet aux OGM.

De 16.23 octobre - 7 Novembre

Je ne peux conclure cet article (certes un peu laborieux) sans évoquer le changement radical de notre rapport à la population. Ainsi depuis le passage de la frontière, les voitures n'hésitent plus à s'arrêter sur le bas de coté, sortir l'appareil photo et bien souvent nous aborder pour en savoir un peu plus sur notre périple, Stéphanie s'étendra je pense un plus sur quelqu'unes de ces rencontres dans le prochain post.

 

Nous pensons bien à vous,

 

Félix